La France autorise la culture et la production du cannabis médical

La France souhaite encadrer la culture et la production de cannabis thérapeutique

Et si les agriculteurs français se mettaient à produire du cannabis à usage médical ? Une perspective qui prend de plus en plus d’épaisseur : un comité scientifique a été formé afin de réfléchir à cette possibilité, dont les membres ont été désignés le jeudi 17 février dernier. Le cœur des discussions portera sur la création d’une filière française de culture de cannabis à usage thérapeutique. Le décret, lui, se focalise essentiellement sur l’inclusion de la notion « de culture » dans l’article R. 5132-74 du Code de la Santé Publique qui contrôle l’utilisation des plantes stupéfiantes en médecine.

Le Pr Nicolas Authier est psychiatre au CHU de Clermont-Ferrand. Jusqu’à date, il était le président du Comité Scientifique Temporaire sur l'expérimentation du cannabis à usage médical. Il détaille les enjeux de ce comité : « Il vise à développer la filière française de culture et de fabrication des médicaments à base de cannabis. Ce comité va se pencher d’une part sur un arrêté ministériel qui va permettre de définir les conditions de la culture de ce cannabis destiné à la fabrication de médicaments : où on va cultiver, comment on va sécuriser ? Ce ne sera pas en plein champ, ce sera du cannabis dans des endroits fermés. Le comité va se pencher sur un deuxième arrêté qui va définir les spécifications de ces futurs médicaments à base de cannabis, leur qualité, leur composition, leur statut ». En clair : le décret autorise la culture de cannabis à visée médicale en France et la préparation de médicaments. Chose qui était impossible jusqu’alors en France.

Le fond du décret est limpide : il traite le cannabis à usage médical comme n’importe quel médicament. La forme toutefois contient des aspects contradictoires. C’est l’avis de Me Yann Bisiou, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles et spécialiste du droit de la drogue : « C’est l’usine à gaz à laquelle on pouvait s’attendre. Par exemple, le décret prive l’arrêté CBD de base légale, sans renvoi vers le nouvel article 5132-86-1 qui régira désormais les usages du chanvre industriel ».

L’arrêté CBD en question conserve toute sa valeur. Cela induit néanmoins que les différentes instances qui régissent les Cannabis industriel et médical ne communiquent pas de façon efficace. Notons également que le ministre de l’Industrie n’est pas présent au niveau du dispositif d’organisation du cannabis médical… alors qu’il est moteur sur le chanvre industriel. C’est l’inverse pour le ministre de l’Intérieur qui est absent sur le chanvre industriel mais présent sur le cannabis thérapeutique.

Détail d’importance : la molécule delta-9-THC redevient illégale. C’est au niveau de l’article 5132-86 qu’on le remarque. Le décret retire le paragraphe qui considérait le delta 9-tétrahydrocannabinol comme une exception à l’interdiction des molécules du cannabis. Les cannabinoïdes synthétiques sont eux désormais au même niveau que les cannabinoïdes naturels.

Un monopole d’État probable sur le cannabis médical

Autre enseignement : la France semble faire le choix du monopole d’État, qui nommera ses opérateurs à l’instar de la Colombie. Ces mêmes opérateurs choisiront les producteurs concernés, avec des conditions réglementaires plus strictes que celles qu’on connaissait déjà dans des filières similaires (ex : le pavot).

Yann Bisiou y voit un risque économique organisationnel : « L’ANSM peut refuser de développer un système concurrentiel, à l’image de ce qui est fait sur l’opium en France ».

Si c’est cette option qui est choisie, l’ANSM pourra librement choisir un opérateur industriel unique qui sous-traitera la production à un nombre restreint de producteurs. Un modèle qui limiterait grandement l’accès réel au cannabis médical.

Quelle que soit la décision, l'ANSM qui pilote l'expérimentation du cannabis à usage médical, visera à définir les spécifications et le cahier des charges des médicaments à base de cannabis que produira la future filière française. Jusque-là, les traitements à base de cannabis, qui font l’objet de contrôles stricts, sont tous des produits d’importation.

À titre d’information, l’ordre du jour de la première réunion du Comité Scientifique Temporaire, bien qu’informative, sera le suivant :

  • Les teneurs en delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) et cannabidiol (CBD) des plantes
  • Les variétés de cannabis utilisées
  • Les modalités de traçabilité des plants jusqu’à la récolte des fleurs
  • Les formes pharmaceutiques attendues des médicaments à base de cannabis
  • Les critères de qualité pharmaceutique ainsi que les contrôles nécessaires
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